Le bien. Le mal. Le juste. L’horrible.
Tout n’est qu’une question de perception. Absolument tout.
On croit que c’est figé, que c’est inscrit quelque part dans une grande encyclopédie cosmique des valeurs.
Mais non.
Ce n’est pas un code universel.
C’est une paire de lunettes.
Et chacun porte les siennes.
Prenons un exemple banal :
Un chat.
Un petit être doux, mignon, ronronnant.
Un animal qui, rien que par sa présence, active chez nous un fond d’émotion tendre, presque enfantine.
J’ai emmené ce chat et je l’ai tué.
Je te laisse deux secondes…
« Mais comment t’as pu faire ça ?! »
« C’est horrible ! »
« Monstrueux. »
Ton mental a déjà sauté sur ses grands chevaux, fouetté par l’indignation.
Tu me colles une étiquette. Tu me condamnes.
C’est humain. C’est logique.
C’est aussi terriblement incomplet.
Laisse-moi dérouler un peu plus le fil.
Si je t’ajoute que ce chat souffrait ?
Qu’il hurlait, qu’il n’arrivait plus à marcher, que son corps était déjà en train de lâcher de toutes parts.
Que je l’ai trouvé au bord de la route, shooter par une voiture (autre que moi)…
Qu’il était entre la vie et la mort ?
Dis-moi.
Est-ce encore autant « horrible » ?
Le choix étant plonger dans la souffrance ou le libérer de celle-ci ?
Est-ce que tuer dans ce contexte est toujours autant « mal » ?
Pas si simple, hein ?
Peut-être que tu te dis qu’on doit laisser la vie décider, ne jamais intervenir.
Ou alors tu penses :
« C’est affreux… mais peut-être que c’était la moins pire des options ? »
Les convictions vacillent.
La colère devient hésitation.
Le jugement devient question.
Laisse-moi t’ajouter quelques détails supplémentaires.
Ce n’était pas un acte violent, ni une folie soudaine.
Il a été ausculté avec douceur par un vétérinaire.
Il a été palpé, écouté, regardé dans les yeux.
Il a eu des tests. Un diagnostic. Des probabilités. Une certitude.
On a parlé. Envisagé toutes les issues.
Et au bout de ce dialogue, il y a eu une décision : celle de ne pas imposer des heures de douleur inutiles.
Le chat est parti, calmement.
Dans un lieu médical. Entouré. Apaisé. Avec respect.
Toujours aussi atroce ?
Toujours aussi condamnable ?
Ou bien… humain ?
Un choix difficile, un geste de compassion ?
Et ce doute, c’est précisément ce qui m’intéresse.
Ce qui t’a fait hurler au début, ce n’était pas « le fait ».
C’était ce que tu pensais du fait.
Ce que tu croyais savoir.
Ce que ton esprit a interprété, jugé, coloré d’émotions.
Ce n’est pas l’acte qui a changé.
C’est toi, et ta perception.
Et si c’est vrai pour ce chat…
C’est probablement vrai pour tout.
Ce collègue que tu trouves « froid ».
Ce message qui « t’attaque ».
Ce souvenir que tu refuses de revoir.
Le monde n’est pas ce qu’il est.
Il est ce que tu perçois.
Un prisme mouvant, fait de contextes, d’histoires, de blessures, de projections.
Tu peux t’en affoler.
Ou t’en émerveiller.
Mais surtout…
Tu peux choisir tes lunettes.
⚠️ Ce texte joue volontairement avec ta perception.
Ce n’est pas une confession, c’est une exploration.
